Comment le théâtre peut aider les filles à échapper aux mariages précoces

Ngezi Hoja, un jeune garçon de 14 ans, cheveux crépus, vient d’assister à une présentation de  théâtre effectuée par les jeunes de son village.  Au son du tambour des apprentis comédiens, Ngezi a dû traverser en courant la ruelle principale de son village, au bord de laquelle s’alignent en parallèle des petites  maisons blanches en pailles, avant de prendre la petite descente qui mène vers la cours de son école.  Des populations du village y ont fait un gros cercle pour suivre ce théâtre en plein air.

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« C’est la première fois que j’assiste à une  présentation de théâtre, j’ai beaucoup rigolé » m’annonce Ngezi Hoja en souriant.

Pendant trois jours, j’ai initié les jeunes du village Katanga au théâtre participatif afin de leur permettre de mobiliser leur communauté dans le cadre d’un programme de  protection communautaire et protection de l’enfance dans des situations d’urgence pour lequel je travaille. Au village Katanga, les jeunes ont composé des scènes de théâtre dans lesquelles ils  présentent la situation d’un homme, qui veut avoir des vaches pour payer ses dettes, et qui  décide de donner sa fille de 12 ans en mariage. Cette dernière encouragée par sa maman va se référer à la police locale pour dénoncer cet acte. La police intervient, et la  jeune fille  échappe au mariage.

« Je crois que les parents d’ici vont se rappeler des différentes scènes, et arrêter de marier leurs enfants qui n’ont pas encore dix-huit ans » m’explique Ngozi Hoja, en remontant les tirettes de son vieux pull rouge.

Le village Katanga est situé sur une petite colline. Pour y arriver, mes collègues et moi avons  du faire deux jours de marche à pieds en escaladant les hauts plateaux  d’Uvira dans la province du Sud Kivu à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).

« Ici personne ne s’inquiète du mariage des enfants. Une de mes voisines a été mariée, ses parents ont pris la dote alors qu’il savait qu’elle avait encore à peine douze ans» raconte Ngezi sur un air triste.  Dans  ce village, le mariage précoce est  parmi les abus les plus fréquents contre les enfants, à côté du recrutement  des enfants dans les groupes armés, ou encore l’exploitation économique des enfants.

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« Je vois que le théâtre peut permettre le changement des décisions. Si quelqu’un a suivi ce théâtre, il aura peur de marier ou d’épouser un enfant » explique Ngezi. Le  théâtre  est efficace parce qu’il permet à la communauté de s’identifier aux personnages, et offre un espace de discussion où des attitudes nouvelles sont promus, notamment pour la protection des enfants.

« Les parents ne veulent pas que les filles aillent à l’école, ils nous soumettent à des travaux qui nous prennent tout le temps. Et après nous n’avons pas d’autres choix que de nous marier » s’est exprimée  une jeune fille lors de la présentation théâtrale, « faux » a  rétorqué un parent qui a assisté lui aussi à  la présentation « Les enfants veulent vite se marier, si on n’officialise pas vite leurs mariages, ils vont se faire engrosser par des jeunes gens,  et on va tout perdre ».

Dans cette partie de la RDC, occupée par une multitude de groupes armés, Ngezi pense  quant à lui que l’Etat peut jouer  un rôle important pour arrêter le mariage précoce des enfants. «  Si j’étais le commandant de la police, je mettrais tous ces hommes en prison, parce que tant qu’il n’y a personne qui est punie, les enfants vont continuer  à être amener au mariage ».

La loi congolaise punit le mariage précoce et le considère comme une de formes des violences sexuelles, mais l’absence de l’autorité de l’Etat dans cette contrée ainsi que la banalisation de cet acte par la communauté n’offrent pas aux jeunes filles des alternatives pour échapper aux mariages précoces et forcés. « Un homme qui veut épouser une  fille peut offrir jusqu’à 12 vaches aux parents de la jeune fille, qui peut se passer d’une telle richesse dans ce village ?»  s’est exclamé un leader local.

Ngezi espère  néanmoins que la situation pourrait changer, et rêve déjà d’un lendemain meilleur dans son village. «  Quand les vélos, les motos, et les voitures vont commencer à arriver ici,  c’est sera la ville, des nouvelles choses vont arriver,  et la vie va changer ».

En attendant, Ngezi brave chaque matin le froid sur la route de son école pour atteindre un jour un de ses plus grands rêves. «  Apres mes études, je veux être un directeur d’école ».

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